Jour 5 – Mardi 18 février 2025.
Ils sont sur mon bureau depuis trois semaines. Lorsque je les regarde, j’ai honte.
La première semaine, je n’ai pas eu le temps. Avec plus d’un mois de retard sur l’année civile, ces calendriers pouvaient bien attendre encore un peu.
La deuxième semaine a été chargée aussi. Mais pas à ce point. Et j’ai bien remarqué qu’ils me posaient un problème. Chaque fois que je les regardais, je trouvais autre chose à faire, ni plus importante, ni plus urgente.
Le vendredi, je me suis dit que je m’en occuperai lundi. Car c’est bien connu, les lundis sont magiques, ils portent le pouvoir, ou la promesse, de faire tout ce que l’on n’a pas réussi jusque-là.
Lundi est passé. Et ils sont toujours là.
Pourtant j’ai eu le temps.
Mais je n’ai pas réussi. Bloquée. Comme empêchée. Par quoi, par qui ?
J’ai ouvert un fichier texte et j’ai commencé à noter la question :
« Pourquoi n’arrives-tu pas à aller distribuer ces calendriers à tes collègues ? »
Au début, rien ne vient. Alors je commence à écrire, comme un pêcheur lance sa ligne.
« Parce que je… »
Et j’attends que quelque chose vienne. Je me prends la tête entre les mains, au milieu de l’open space.
1 minute, puis 2… Quelqu’un va finir par s’inquiéter, se demander si je vais bien.
« ça me met mal à l’aise / ça me gêne de… » et là, la confusion règne. L’idée se dérobe. Elle ne doit vraiment pas avoir envie de se retrouver posée noir sur blanc.
En fait deux idées sont en train de tournoyer, proches mais distinctes.
Je les note toutes les deux et les reformule avec deux autres questions.
Qui à leur tour appellent chacune une réponse, finalement assez proches l’une de l’autre.
Je n’arrive pas à distribuer ces foutus calendriers car j’interprète cette distribution comme du démarchage ou de la propagande.
Ces calendriers représentent pour moi, à ce moment-là, une demande implicite ou explicite à formuler à mes collègues pour qu’ils adhèrent au syndicat qui les a fait imprimer.
Or je déteste demander ou dire aux autres ce qu’ils ont à faire.
Je cherche comment changer cette interprétation. Rien ne vient. Je passe à autre chose.
En milieu d’après-midi, les calendriers sont toujours là lorsque j’apprends une nouvelle qui intéressera tous mes collègues.
J’attrape mes calendriers et je commence ma tournée. J’apporte à chacun une information importante et leur propose un calendrier par la même occasion. Avec le sourire.
Pour moi, à ce moment-là, ces calendriers représentent le vecteur de diffusion d’une information qui leur sera utile. Or être utile est un de mes moteurs.
Je viens de faire tomber une limite, de libérer mon bureau et de constater à nouveau le pouvoir de l’interprétation.
Et je viens aussi de passer une heure à discuter avec mes collègues, de voir leurs réactions à l’annonce et à mes calendriers.
La honte s’en va et je retrouve ma joie.